Parcours de Laurence Machard-Brujas artiste plasticienne
Semer des cailloux sur le chemin
Le vrai apprentissage de l’art commence dès l’enfance. Bien sûr dans les traditionnels cours du soir de « peinture » appliqués et durant le cursus scolaire « cours de dessin » disciplinés. Tout commence bien avant cela pour l’artiste. Sa vocation a démarré toute petite dans l’arrière-salle du café parental du faubourg Marcel à st Claude, lieu de rencontre des ouvriers, de la jeunesse et des anciens …A la fois émerveillée intriguée, terrifiée aussi de ce qu’elle voyait et entendait , elle cherchait à comprendre. L’art naît « en et par soi-même », à travers ce besoin et cette jouissance irrépréhensible de crayonner pour retranscrire à sa façon tout ce qu’elle observait les yeux écarquillés et la bouche entre-ouverte, ébahie par l’humanité et tout ce qui l’entourait. D’un tempérament solitaire, sa sensibilité s’ épanouissait aux contacts des animaux, de cette nature riche et sauvage des plateaux du Haut Jura, émue et admirative par la vie rude des paysans .
Ce « profil » inclassable l’étiquetait déjà comme « incasable ». En permanence « dans la lune », « étourdie », on lui reprochait de « rêvasser ». Elle vivait en se sentant différente, et cet isolement la plongeait en elle: les doigts bricolaient ou dessinaient avec des stylos sur tout ce qu’elle trouvait: morceaux de nappes en papier, carnets de bistrot, bouts de carton, ou papier quadrillé de cahiers… Jusqu’à sculpter dans le bois de ses crayons de papier…
Boite de petits pois ou tubes de peinture ?
La soif d’apprendre, de vivre et de dire de Laurence Machard-Brujas artiste plasticienne s’est aiguisée par les voyages et avec l’entrée à l’École des Beaux-arts de Besançon (Doubs) en 1982, aujourd’hui ISBA, et les amitiés. Époque solaire avec la fréquentation l’atelier de sculpture de Jacques Voitot connu pour sa verve de Haut Jurassien, du cours de peinture de l’exigent et profond Jean Ricardon, de Georges Oudot pour ses cours de gravures… Puis par la poursuite de ses études à l’université Paris Sorbonne avec le brillant Denis Riou et de la sémillante Annette Malochet à l’esprit vif et visionnaire. C’était l’époque délirante de projets et des installations libres « à la Christo » dans la salle de cours à Paris, à Besançon, Dole jusque dans le Haut Jura. Quelle belle énergie !
Faire ses griffes sur la rugosité des nécessités vitales
La fin des études sonne le glas de la liberté créatrice. L’angoisse de la précarité qu’une femme-artiste serait menée à vivre, était vécue comme une menace. De plus, elle refusait de sacrifier sa vie de femme sur l’autel de l’art et voulait la vivre pleinement en fondant une famille. Aucun métier, qu’il fut ingrat ou intéressant, n’a pu lui libérer le temps précieux qui lui manquait pour qu’elle puisse se consacrer entièrement à sa création. Alors, combative, en prenant appui sur les interstices des cases sociales, elle a escaladé le système pour exercer des professions plus gratifiantes comme enseignante d’Art plastiques ou appliqués, antiquaire, animatrice de cours d’arts plastiques, galeriste…
Retrouvailles avec soi-même : dans l’axe du monde.
2018 a été l’année d’une révélation, lors d’une exposition-hommage dans sa galerie, qu’elle consacrait à l’artiste Josette Coras, femme forte, ouverte aux autres, et qui a su transcrire dans son art les liens forts qui la liaient à la Nature. La nécessité vitale de retourner à ce qui lui est essentiel devenait pour elle une évidence. Elle a trouvé c le courage de changer radicalement de vie et d’accomplir ce choix décisif mais aussi économique, qui laisse enfin la part belle à la pensée créatrice, à l’imagination par sa concrétisation, sur et dans la matière.
Laurence Machard Brujas réfute le terme « visuels » qu’on attribue à tort à l’art car trop restrictif. Son expression artistique est avant tout sensitive, mentale, se jouant de l’ invisible parce qu’elle capte aussi le vide. Elle est à dimensions variables, transversale, libre, unique. Attachée à son territoire, elle bouge, s’exporte, s’invite. Elle sait que les lieux et les espaces mentaux sont ouverts et poreux aux échanges et aux influences, qu’ils soient artistiques, sociologiques, écologiques, philosophiques.. Les expositions s’enchaînent (Évènement Zig Zag sur le Jura, Chahut au Château, Biennale de Cuiseaux…) toujours plus stimulantes les unes que les autres. Enfin elle est convaincue que l’art est un vecteur fort pour renouer des liens entre l’Homme et la Nature. La part sacrée de l’art, sous la célébration de l’animisme , remonte à la nuit des temps . Elle s’engage dans un art qui contribue à ouvrir l’esprit, toucher plus intimement les consciences en réveillant et en renouer avec un panthéisme. Créer pour participer à une génération d’humains plus respectueuse du Vivant… Plasticienne, Laurence Machard Brujas est avant tout citoyenne du monde.